Entretien avec le 1er collaborateur de Carrefour
Publié le : 30 septembre 2019
Temps de lecture : 0 minute
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Je m’authentifiePublié le : 30 septembre 2019
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Michel Croset a dirigé le magasin pionnier que Carrefour a ouvert en janvier 1960 à Annecy (Haute-Savoie). Il s’agissait d’un espace alimentaire de 160 m² en libre service situé au sous-sol d’un grand magasin de vêtements. Aujourd’hui âgé de 82 ans, il revient sur les débuts de l’entreprise et de la grande distribution en France.
Dans quel contexte la société Carrefour est-elle née ?
« En 1959, les petites épiceries traditionnelles étaient la norme. Elles étaient tenues par des indépendants qui s’approvisionnaient auprès de grossistes. En juillet 1959, Marcel Fournier, propriétaire d’un grand magasin de vêtements à Annecy, créé la société Carrefour Supermarchés après sa rencontre avec les frères Jacques et Denis Defforey, des grossistes de l’Ain. Le nom de Carrefour est issu de la contraction entre le nom de l’un des investisseurs fondateurs de l’entreprise, M. Carret -propriétaire d’un grand hôtel d’Annecy- et Marcel Fournier. Cela n’a rien à voir avec la situation géographique du premier supermarché Carrefour qui ouvrira un an plus tard à Annecy. En 1960, ce magasin n’était de toute façon pas encore situé au carrefour de plusieurs avenues comme il l’est aujourd’hui car la plupart de ces rues n’existaient pas à l’époque ! »
Le premier magasin Carrefour n’est pourtant pas un supermarché…
« Marcel Fournier veut commencer par un supermarché mais il doit changer ses plans quand Edouard Leclerc annonce en novembre 1959 qu’il va ouvrir à Annecy un magasin en libre service sur le modèle de celui qu’il a créé à Landerneau, dans le Finistère. Marcel Fournier décide alors d’ouvrir dès janvier 1960 un espace alimentaire en libre service de 160 m² situé au sous-sol de son grand magasin de vêtements, dans le centre-ville d’Annecy. »
A quoi ressemblait ce sous-sol ?
« Déjà, le libre service était une révolution car dans les épiceries, les clients se faisaient encore servir au comptoir. Là, le client pouvait remplir son panier tout seul dans les rayonnages. Mais comme la conserve était à l’époque l’unique mode de conservation, il a fallu innover pour créer de nouvelles solutions de conditionnement afin de proposer des produits frais. On a par exemple fabriqué des barquettes en carton de 500 grammes et d’un kilo pour les fruits et légumes. L’identité du fournisseur était imprimée sur une face de la barquette et faisait office de publicité. Les premiers yaourts individuels ont aussi été créés à la demande de Carrefour par un fournisseur local. En 1960, le lait était encore stocké dans des bidons et servi dans le pot des ménagères car les briques en carton n’étaient pas nées. Il n’y avait pas non plus de sac en plastique et on proposait aux clients de mettre leurs courses dans des pochettes en papier kraft, comme aux Etats-Unis. C’est d’ailleurs amusant de voir qu’on revient aujourd’hui à ce qu’on faisait il y a 60 ans pour limiter l’usage du plastique ! »
« C’était comme les grottes de Lascaux »
Comment vous-êtes vous retrouvé à 22 ans à la tête du premier magasin Carrefour ?
« Mes parents tenaient une épicerie traditionnelle et ils connaissaient bien Marcel Fournier. J’avais donc déjà un début de formation et j’ai été nommé responsable alimentaire. Au niveau du personnel, nous étions que trois : moi et deux caissières. A l’inverse des magasins Leclerc de l’époque où les produits étaient disposés en vrac sur des tables, notre espace alimentaire étaient composé de véritables rayonnages avec des gondoles en bois. Il y avait 300-400 références, les produits de base principalement : du café, des conserves de légumes, des lessives, de la crème Nivea… Le sous-sol est resté ouvert pendant trois ans. C’était un pôle stratégique car les bureaux de Marcel Fournier étaient situés à l’étage au-dessus ! »
Six mois plus tard, en juin 1960, le premier supermarché Carrefour est inauguré à Annecy. Quel fut l’accueil du public ?
« C’était comme les grottes de Lascaux, tout le monde voulait voir ça de ses propres yeux ! Le magasin faisait 650 m² et il s’inspirait des grandes surfaces que Marcel Fournier avait observées aux Etats-Unis. En plus des paniers de course, les clients avaient aussi à leur disposition pour la première fois des caddies. Il y avait une cinquantaine de salariés, avec des renforts en été. En plus des produits alimentaires de base et du DPH à l’époque, on y trouvait les vins et spiritueux. Et dehors sur le parking, il y avait des bornes à essence. »
Comment s’est déroulée la suite de votre carrière ?
« A la fermeture du magasin du sous-sol, en 1963, j’ai été nommé chef-épicier du deuxième supermarché que Carrefour a ouvert à Annecy, à Cran-Gevrier. Puis je suis devenu en 1968 responsable du premier supermarché, à Parmelan, et ce jusqu’en 1991. Je suis très fier d’avoir accompagné le développement de Carrefour et de la grande distribution en France. Qui aurait pu imaginer que notre petit magasin du sous-sol soit le premier d’une lignée qui en compte aujourd’hui plus de 12 000 dans une trentaine de pays ? »